L'Assemblée nationale a adopté ce 17 septembre en première lecture, par 312 voix contre 197, le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). Socialistes, écologistes et radicaux de gauche ont approuvé ce texte, combattu par l'UMP et sur lequel l'UDI et le Front de gauche se sont abstenus. Parmi les dispositions phares du projet de loi, l'article 63 instaurant le PLU intercommunal (PLUi) a été voté sans modification le 13 septembre, lors de l'examen en séance du titre IV du texte relatif à la modernisation des documents de planification et d'urbanisme. Cette généralisation des PLUi constitue un point "décisif" du texte et "un vrai progrès pour les élus locaux, y compris des plus petites communes", a estimé Cécile Duflot. La ministre du Logement a affirmé sa volonté "d'aboutir à un travail concerté qui respecte les volontés communales". Un point de vue qu'avait déclaré partager son prédécesseur au ministère du Logement, Benoist Apparu, député UMP de la Marne, lors de l'ouverture des débats sur le projet de loi le 10 septembre. Mais la plupart des députés UMP se sont élevés contre cette mesure au moment de l'examen de l'article 63. "Cet article détricote la décentralisation, le pouvoir des maires et la démocratie de proximité", s'est exclamé Jacques Myard (UMP, Yvelines). Si le PLUi est imposé, "vous allez dans le mur", a-t-il ajouté. "Le PLUi a un sens pour certains ensembles territoriaux" mais "dans d'autres beaucoup moins, a jugé Jean-Frédéric Poisson, également député UMP des Yvelines. Cela doit être une possibilité laissée aux communes mais en aucun cas une obligation imposée par la loi."
Les autres dispositions du texte concernant l'urbanisme ont fait l'objet de plusieurs modifications de fond. Tout d'abord sur proposition de Michel Piron (UDI, Maine-et-Loire) et avec avis favorable de la commission des affaires économiques et du gouvernement, un article additionnel avant l'article 58A décale de 12 mois, à 2017, la date à laquelle les plans d'urbanisme devront avoir été révisés pour intégrer les dispositions de la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010.
Les députés ont aussi voté plusieurs amendements à l'article 58 consacré au renforcement du schéma de cohérence territoriale (Scot) intégrateur. Un amendement de Michel Piron précise que la procédure de mise en compatibilité des PLU ou des documents en tenant lieu avec le Scot ou le schéma de secteur doit être achevée dans les trois ans "à compter de la date à laquelle le schéma est devenu exécutoire". Un amendement défendu par Jacques Krabal (RRDP, Aisne) vise à harmoniser le projet de loi Alur avec les dispositions de la loi du 5 décembre 2011 relative au plan d'aménagement et de développement durable de la Corse. Sur proposition de François Brottes (SRC, Isère), président de la commission des affaires économiques, les députés ont précisé que les temps de déplacements doivent être pris en compte dans la définition des objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) en matière de transports. Plusieurs amendements identiques assouplissent la possibilité pour une charte de parc naturel régional (PNR) de tenir lieu de Scot : c'est le cas lorsque "le territoire classé d'un PNR n'est pas couvert ou est couvert partiellement par plusieurs Scot."
Urbanisme commercial : réforme en vue
Les dispositions de l'article 58 sur l'urbanisme commercial ont aussi donné lieu à de nombreux échanges dans l'hémicycle. Globalement, le projet de loi tente de remettre en cause le caractère dérogatoire de l'urbanisme commercial. Sylvie Pinel, ministre de l'Artisanat et du Commerce, est venue présenter aux députés le 13 septembre en fin de matinée les grandes lignes de la réforme de l'urbanisme commercial qu'elle entend mener conjointement avec Cécile Duflot. Cette réforme, avec laquelle les ministres répondent à l'amendement d'appel de François Brottes, adopté en commission, contiendra deux volets, a expliqué Sylvia Pinel. Le premier consiste en trois amendements gouvernementaux au projet de loi Alur et vise à "intégrer l'urbanisme commercial à l'urbanisme de droit commun". Le second volet sera contenu dans le projet de loi "sur l'artisanat, le commerce et les très petites entreprises" que Sylvia Pinel défendra en janvier au Parlement.
François Brottes s'est réjoui de ce que son amendement d'appel ait été entendu, et Michel Piron que les députés aient de nouveau la possibilité de débattre sur le sujet. Il a fustigé le fait qu' "au nom de la concurrence, on s'exonère de toute contrainte d'aménagement du territoire", via un "urbanisme dérogatoire" qui constitue une "exception française". Il a toutefois regretté que la proposition du gouvernement ne reprenne qu'une partie de la proposition de loi de 2010 sur le sujet, dont il était co-auteur. "C'est une base à laquelle je ne pourrai souscrire", a-t-il prévenu. Pour sa part, Benoist Apparu a estimé que la proposition du gouvernement "ne changera quasiment rien à la situation actuelle", et préconisé de "regarder comment adapter beaucoup plus rapidement les instruments de planification", "le temps commercial et celui d'élaboration des documents d'urbanisme n'étant pas compatibles".
Le premier des trois amendements gouvernementaux vise à faire du Scot le "document de référence pour construire l'armature commerciale d'un territoire en s'adossant sur l'armature urbaine". Le document d'orientation et d'objectifs du Scot devra donc préciser les objectifs relatifs à l'équipement commercial et artisanal, indique l'amendement qui prévoit aussi une disposition transitoire. Le deuxième amendement du gouvernement sur l'urbanisme commercial crée un article additionnel après l'article 58 instituant une "procédure unique et intégrée des autorisations au titre des codes du commerce et de l'urbanisme" : ainsi, la procédure d'autorisation d'exploitation commerciale est intégrée dans la procédure de permis de construire et le permis de construire tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. "Les commissions départementales d'aménagement commercial deviennent des instances consultées par l'autorité compétente dans le cadre de l'instruction du permis de construire. Le Code de commerce est modifié pour tenir compte de cette évolution", est-il précisé. En outre, "l'amendement explicite les critères qui président aux avis rendus par les commissions d'aménagement commercial" et "prévoit les modalités de saisine de la Cnac [Commission nationale d'aménagement commercial] selon que le projet nécessite ou non un permis de construire". Troisième et dernier amendement gouvernemental en matière d'urbanisme commercial : à l'article 64, il est stipulé qu'"en l'absence de Scot, les PLU élaborés à l'échelle intercommunale comportent des orientations d'aménagement et de programmation portant sur l'aménagement et le développement commercial reprenant le contenu du volet commerce du Scot". Enfin, pour clore le chapitre urbanisme commercial du texte, les députés RRDP ont fait passer à l'article 58 un amendement sur les drives (voir notre article ci-contre "Drive : les mesures d'encadrement vont-elles arriver trop tard ?") précisant que lorsqu'ils sont "pleinement intégrés à un magasin existant n'emportant pas la création d'une surface de plancher de plus de 20 mètres carrés", ils ne nécessitent pas d'autorisation d'exploitation commerciale.
Des amendements tous azimuths
Concernant les autres dispositions du texte, le groupe SRC a fait voter, contre l'avis du gouvernement, un amendement créant un article additionnel après l'article 58 prévoyant que "les territoires d'un département, d'une région ou d'un bassin de vie qui leur sont contigus, disposant d'un Scot approuvé, peuvent co-élaborer, en collaboration avec les services de l'Etat, de la région et du département, un inter-Scot ayant vocation à constituer une vision commune et co-construite des équilibres et objectifs d'aménagement du territoire, d'affectation de l'espace, et de développement du territoire de l'inter-Scot, pour la période de validité des Scot". Concernant les autorisations d'urbanisme, un amendement socialiste à l'article 61 vise à "permettre le retrait d'une décision de non-opposition à une déclaration de travaux par l'autorité administrative saisie d'un recours gracieux" afin d'éviter de saisir la justice et de risquer une condamnation indemnitaire importante de la collectivité publique et/ou de son bénéficiaire s'il n'a pas encore réalisé les travaux.
Les députés ont en outre voté à l'article 64 trois amendements identiques précisant que lorsque le PLU tient lieu de plan de déplacements urbains (PDU), il fixe nécessairement des obligations minimales d'aires de stationnement pour les vélos. Toujours à ce même article, ils ont précisé, par un amendement de Philippe Bies (SRC, Bas-Rhin) que le dispositif de régularisation à la suite du sursis à statuer prononcé par le juge dans le cadre d'un recours contentieux, qui avait été étendu en commission, ne peut s'appliquer qu'aux PLU, Scot et cartes communales.
A l'article 65, plusieurs amendements modifient le contenu du rapport de présentation du Scot et du PLU en précisant notamment l'analyse de la consommation d'espaces naturels dans le temps ou la notion d'ouverture à l'urbanisation, élargie pour "prendre en compte la politique de long terme de constitution d'une réserve foncière engagée par une collectivité". Le rapport de présentation du PLU devra aussi comprendre l'inventaire des capacités de stationnement des différents modes de déplacement.
Pour lutter contre l'enfrichement des zones de montagne dans les communes non couvertes par un document d'urbanisme, les députés ont aussi adopté à l'article 66 un amendement socialiste donnant la possibilité à ces communes "d'autoriser des projets d'urbanisation dans les parties enfrichées de leur territoire", sous réserve de conditions "particulièrement strictes".
A l'initiative de Philippe Bies et des députés RRDP, deux alinéas de l'article 67 ont été supprimés contre l'avis du gouvernement : ainsi "l'élaboration d'un règlement local de publicité reste (…) une possibilité pour toutes les collectivités et, compte tenu de ses effets pervers du point de vue de l'environnement, ne constitue jamais une obligation, y compris en bordure d'une route à grande circulation".
Plusieurs modifications ont été apportées à l'article 70 concernant le droit de préemption. Des amendements de François Pupponi (SRC, Val-d'Oise) et Jean-Luc Laurent (app. SRC, Val-de-Marne) visent à permettre aux communes de préempter des parts de sociétés civiles immobilières (SCI). Un amendement de députés UMP suspend le délai de deux mois entre la date à laquelle la demande de visiter le bien qu'une commune entend préempter est formulée et la visite elle-même.
Les députés ont aussi ajouté deux articles additionnels après l'article 70. Dans le cas de biens sans maître, l'un vise à permettre à la commune qui n'exerce pas son droit de préemption de le transférer à l'intercommunalité si elle le demande. L'autre article additionnel précise que "les cessions de droits sociaux des sociétés civiles immobilières et des sociétés à prépondérance immobilière s'effectuent dorénavant par acte authentique", pour éviter les dérives actuelles et assurer une meilleure sécurité juridique.
A l'article 72, un amendement présenté par Audrey Linkenheld (SRC, Nord), rapporteure du texte pour la commission des affaires économiques, "vise à organiser de façon pérenne, selon des conditions qui seront définies par décret en Conseil d'État, l'accès des géomètres topographes à l'Ordre des géomètres experts." Un deuxième amendement de la députée crée un nouvel article après l'article 72 contenant des dispositions spécifiques à la nomination de membres au conseil régional de l'Ordre des géomètres experts de La Réunion et Mayotte.
Sur proposition des écologistes, les députés ont voté à l'article 73 l'instauration d'un "coefficient de biotope par surface", défini comme le "ratio entre la surface favorable à la nature et la surface d'une parcelle construite ou en passe de l'être", dans le PLU.
A l'article 75, un amendement d'Audrey Linkenheld vise selon la députée "à faciliter la mise en cohérence entre les règles d'urbanisme qui valent dans un lotissement et celles qui valent dans les documents d'urbanisme", explique, son auteure.
Après l'article 77, les députés ont créé, sur proposition d'Audrey Linkenheld, les organismes fonciers solidaires (OFS), "des organismes d'aménagement foncier dont le principal objet est de mettre à disposition du foncier, bâti ou non, pour la production de logements abordables, en location ou en accession à la propriété, tout en préservant leur accessibilité économique sur le très long terme, au fil des locations ou des reventes". Pour y parvenir, l'OFS mobilise le bail emphytéotique permettant la dissociation de la propriété du foncier et du bâti "pour limiter le coût des logements." Ils sont "sans but lucratif et poursuivent une mission d'intérêt général", "ont vocation à conserver en patrimoine le foncier acquis "et "les logements sont destinés aux ménages sous plafond de ressources et de loyers". Un décret en Conseil d'État doit déterminer les conditions d'application de ce nouvel article.
Deux amendements identiques à l'article 81 donnent aux communes non couvertes par un PLU "la possibilité de protéger, s'il y a lieu, le patrimoine naturel remarquable de leur territoire pour assurer la préservation des continuités écologiques".
A l'article 84, les députés ont adopté un amendement prévoyant que "chaque chambre consulaire et le conseil économique, social et environnemental (soient) représentés au conseil d'administration [des établissements publics fonciers d'Etat] avec voix consultative".
Enfin deux articles additionnels ont été créés après l'article 84. L'article 85 résulte d'un amendement gouvernemental prévoyant que "toute personne qui construit un bâtiment à usage industriel constituant principalement un lieu de travail et équipé de places de stationnement destinées aux salariés dote une partie de ces places des gaines techniques, câblages et dispositifs de sécurité nécessaires à l'alimentation d'une prise de recharge pour véhicule électrique ou hybride rechargeable". Pour Cécile Duflot, qui a travaillé à cet amendement avec le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, "l'idée est de lever l'un des freins au développement du véhicule électrique et hybride rechargeable, qui est l'un des éléments clés de notre stratégie automobile, en faisant en sorte d'étendre aux projets à caractère industriel l'obligation de précâblage qui s'impose aux projets de construction destinés à l'habitation et au tertiaire. Il est en effet toujours préférable de réaliser par anticipation les aménagements destinés à recevoir ultérieurement une installation de recharge, car ils sont près de dix fois plus coûteux si l'on attend que le besoin se manifeste". Enfin le nouvel article 86, introduit par les députés, prévoit que "dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'opportunité et les modalités de mise en œuvre d'un permis de diviser". "Ce permis de diviser serait délivré lors de toute division par lots et mise en copropriété d'un immeuble comprenant au moins cinq locaux à usage d'habitation."
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