Présenté le 7 janvier en Conseil des ministres, le projet de loi d'engagement national pour l'environnement, plus connu sous le nom de Grenelle 2, constitue en réalité selon le ministre de l'Ecologie, Jean-Louis Borloo la "troisième brique" du processus du Grenelle de l'environnement, après le projet de loi de programme Grenelle déjà voté le 21 octobre dernier en première lecture par l'Assemblée nationale et la loi de finances 2009, qui totalise 14 mesures de fiscalité verte. Ce texte très touffu - il compte 104 articles regroupés en six grandes thématiques - entend offrir aux acteurs de terrain, à commencer par les collectivités, de nouveaux outils juridiques. "Notre droit et notre fiscalité n'ont pas été conçus au départ pour répondre à des objectifs environnementaux, a souligné le 7 janvier Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat à l'Ecologie. Avec ce texte, on lève les points de blocage qui existent dans des pans entiers de notre droit pour libérer les énergies qui se sont exprimées le cadre du Grenelle de l'environnement."
Urbanisme à la sauce verte
Le projet de loi Grenelle 2, qui devrait être débattu au Parlement à partir du mois de mars en vue d'une adoption avant l'été, comporte dans chacun de ses chapitres des mesures concernant les acteurs locaux. Il renforce tout d'abord les dispositions relatives à l'amélioration de la performance énergétique des bâtiments, avec notamment l'obligation de réaliser à compter de 2012 et dans un délai de 8 ans des travaux sur les bâtiments tertiaires existants. Mais c'est surtout dans le domaine de l'urbanisme que le texte propose un grand toilettage pour adapter le Code de l'urbanisme aux enjeux du développement durable. Il s'agit à la fois de simplifier l'organisation pyramidale des documents opposables et de favoriser une meilleure intégration des politiques publiques de l'urbanisme, du développement des transports et de l'habitat.
Le projet de loi prévoit ainsi plusieurs mesures notables : simplification des directives territoriales d'aménagement, qui ne seront plus opposables aux autres documents d'urbanisme, renforcement des objectifs de développement durable de tous les documents d'urbanisme (réduction de la consommation d'espace et des obligations de déplacement, répartition équilibrée des commerces et des services), "verdissement" des schémas de cohérence territoriale (Scot), qui devront prendre en compte les plans climat énergie territoriaux, renforcement des plans locaux d'urbanisme (PLU) qui pourront fixer un calendrier d'urbanisation en fonction de la réalisation d'équipements et d'infrastructures de transport. Le conseil municipal pourra aussi autoriser un dépassement de coefficient d'occupation des sols (COS) pouvant aller jusqu'à 30% si les bâtiments concernés sont particulièrement performants en matière énergétique. En dehors des zones protégées, un maire ne pourra pas refuser un permis de construire au motif que la construction utilise des énergies renouvelables ou des matériaux renouvelables. Au sein des zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP), les permis de construire ne seront plus soumis à un avis conforme mais à un avis simple de l'architecte des bâtiments de France, et ce dans le but de favoriser par exemple la pose de panneaux solaires qui ne portent pas atteinte à la beauté du site.
Transports : meilleure coordination des compétences
Dans le domaine des transports, le projet de loi, dans son article 16, propose d'abord de renforcer les compétences des autorités organisatrices de transports en améliorant la coordination entre les compétences transports urbains, voirie et stationnement sur le territoire des établissements publics de coopération intercommunale dotés de plans de déplacement urbains (PDU). Il renforce également les compétences des communautés de communes dont le territoire est couvert par un PDU et qui décident d'exercer la compétence optionnelle voirie en disposant que la circulation d'un transport collectif en site propre (TCSP) sur une voie publique entraîne l'intérêt communautaire de cette voie. Il précise également que les communautés de communes pourront organiser à titre optionnel un service de mise à disposition de vélos en libre service. Le texte prévoit encore d'étendre la possibilité de recours à la procédure d'extrême urgence du code de l'expropriation pour les projets de TCSP. Cette mesure pourra avoir pour premier exemple d'application le tramway desservant Clichy-Montfermeil, l'un des principaux projets de transport prévus dans le cadre du plan Espoir Banlieues en Ile-de-France. Le Grenelle 2 définit aussi la notion d'autopartage et veut créer un label spécifique.
Les plans climat territoriaux étendus
Dans le domaine de l'énergie, le texte instaure des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie. Elaborés conjointement par le préfet de région et le président du conseil régional, ils permettront de fixer des orientations en matière d'énergie (valorisation du potentiel régional d'énergies renouvelables), d'adaptation aux conséquences du changement climatique (les crues, par exemple) et de qualité de l'air. Les collectivités de plus de 50 000 habitants seront tenues d'établir un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre. En outre, le projet de loi rend obligatoires d'ici 2013 l'adoption de plans climat territoriaux par les régions, les départements et les intercommunalités de plus de 50.000 habitants.
Comme les communes, les départements et les régions pourront bénéficier de l'obligation d'achat pour l'énergie qu'ils produiront de façon renouvelable.
Préserver la ressource en eau
Au chapitre de la biodiversité, le projet de loi Grenelle 2 prévoit de favoriser l'agriculture biologique autour des aires d'alimentation de captage d'eau potable. Il définit les orientations de la "trame verte et bleue" visant à relier par des "corridors écologiques" les grands espaces naturels afin de faciliter le déplacement des espèces et leur répartition dans le contexte du changement climatique. Les collectivités locales ou les agences de l'eau pourront intervenir directement sur les ouvrages hydrauliques privés afin de restaurer la continuité écologique. Les agences de l'eau pourront aussi acquérir des zones humides particulièrement menacées à des fins de conservation. Par ailleurs, les communes pourront effectuer des travaux d'office pour la mise en conformité des installations d'assainissement non-collectif. Les collectivités seront obligées d'établir un inventaire détaillé de leur réseau de distribution d'eau potable et de définir un programme de travaux d'amélioration si les fuites d'eau sont trop importantes.
Lutte contre la pollution lumineuse
Au chapitre des risques, le projet de loi Grenelle 2 prend en compte la pollution lumineuse. Les communes pourront limiter l'éclairage de certains ouvrages, équipements et installations et des sanctions administratives possibles. Le propriétaire ou l'exploitant de lieux destinés à recevoir du public ou des populations sensibles seront aussi tenus d'effectuer une surveillance de la qualité de l'air intérieur. Le texte prévoit que l'acquéreur d'un terrain puisse disposer de toutes les informations utiles sur son histoire, sur l'état de pollution du sol, etc. et que les documents d'urbanisme prennent mieux en compte cette dimension. Il propose aussi de limiter dans chaque territoire les capacités d'élimination ou d'enfouissement des déchets afin de favoriser la prévention et le recyclage, l'objectif étant d'atteindre 40% de valorisation.
Réforme des enquêtes publiques
En termes de gouvernance, le texte propose une double réforme des études d'impact, pour qu'elles tiennent davantage compte de la sensibilité des milieux naturels, et des enquêtes publiques afin d'associer davantage toutes les parties prenantes, sur le modèle du "dialogue à cinq" du Grenelle de l'environnement (Etat, collectivités, entreprises, syndicats, associations). Par ailleurs, les maires et les présidents de collectivités devront présenter un rapport faisant le point sur la situation en matière de développement durable avant le débat d'orientation budgétaire.
Ce texte est globalement conforme aux engagements du Grenelle de l'environnement, a reconnu France Nature Environnement (FNE), qui fédère 3.000 associations tout en regrettant son manque d'ambition face à la crise économique. Ainsi, pour mieux financer les modes alternatifs de déplacements, FNE se prononce pour "l'instauration d'un surpéage en zones sensibles (montagnes et villes) et par l'instauration de droits régulateurs dans les zones à forte pollution".
Les associations s'inquiètent également de "l'absence d'encadrement sérieux pour de très nombreuses communes soumises à de fortes pressions d'urbanisation (résidentielle, commerciale ou tertiaire)". Enfin, FNE avertit qu'elle sera "très vigilante sur la façon dont la trame verte et bleue devra être prise en compte par les infrastructures".
Anne Lenormand
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