L'Assemblée des communautés de France (ADCF) a tenu, vendredi 10 février, sa traditionnelle journée "lois de finances", sur le thème "budgets locaux et commande publique : comment redynamiser l'investissement local ?". L'ADCF rappelle que sous l’effet combiné des contraintes budgétaires, des réorganisations territoriales et des cycles électoraux, la commande publique et l’investissement local ont chuté de 20% depuis 2012. Au-delà de son effet sur les économies locales à court terme, ce recul pourrait s’avérer très périlleux à plus long terme sur la qualité des infrastructures, des équipements et services publics.
Dans ce contexte, les enjeux sont multiples : il importe d’investir mieux, en hiérarchisant les priorités, en arbitrant entre dépenses nouvelles et dépenses d’entretien et de renouvellement du patrimoine existant. Et de mettre pleinement à profit les dispositions introduites par la réforme de la commande publique pour faciliter l'accès des entreprises locales aux marchés lancés par les collectivités.
Revenir au "coeur de métier"
Cette journée a tout d'abord été l'occasion pour Charles-Eric Lemaignen, président de l'ADCF, d'appeler de nouveau à une pause dans la réforme de l'organisation territoriale, indispensable selon lui à l'investissement. Le "meccano territorial" achevé, il est temps pour les élus de retourner à leur "cœur de métier", à savoir, "la réalisation du projet de territoire". Peu optimiste sur l'évolution du niveau des dotations aux collectivités après les échéances électorales du printemps, il s'est dit prêt à envisager une nouvelle baisse - très modérée - en retour d'un engagement de l'Etat à ne pas procéder à de nouveaux transferts de compétences et un allégement des normes applicables aux collectivités. Ces dispositions feraient l'objet d'une négociation et seraient formalisées dans le cadre de la loi de financement spécifique des collectivités (voir ci-dessous notre article du 9 juin 2016).
Par ailleurs, le président d'Orléans métropole souhaite vivement que le gouvernement aille au bout des réformes budgétaires, comme la réforme de la péréquation. Dans ce cadre, pour des questions d'équité, une "consolidation des charges" à l'échelle du bloc local lui apparaît essentielle. Au chapitre des ressources, Charles-Eric Lemaignen a également rappelé que si la révision des valeurs locatives était prévue cette année pour les entreprises (voir ci-dessous notre article du 17 janvier), aucune date n'est pour l'instant officiellement annoncée pour les particuliers.
Baisse sensible de la commande publique locale
Le président de l'ADCF a ensuite révélé les premières tendances de l'étude réalisée par l'observatoire de la commande publique locale, mis en place conjointement par son association et la Caisse des Dépôts. Après un sursaut en 2015, les deux derniers trimestres de 2016 ont été caractérisés par une baisse sensible de la commande publique. Les résultats de cette étude seront présentés en détail le 21 février prochain, a-t-il annoncé.
Charles-Eric Lemaignen a estimé nécessaire une connaissance plus précise de la commande publique, un objectif auquel le nouvel observatoire des finances et de la gestion publique locale devrait contribuer (voir ci-dessous notre article du 19 octobre 2016). Les données contenues dans les budgets annexes des collectivités (déchets, eau, assainissement, transports), objet d'une "revue de dépenses" de l'inspection générale des finances dans le cadre de la loi de finances 2017, sont en particulier peu accessibles (voir ci-dessous notre article du 20 septembre 2016).
Arbitrer, anticiper, contractualiser
Faute d'avoir obtenu du gouvernement le plan stratégique national de relance de l'investissement qu'il appelait de ses voeux, le président de l'ADCF estime indispensable une rationalisation des investissements dans le cadre de programmes prévisionnels, à l'échelle du bloc local. Rémi Rebeyrotte, président de la communauté de communes du Grand Autunois Morvan, a pour sa part insisté sur la nécessité de procéder à une revue des dépenses de fonctionnement et à une réorganisation des services afin d'en augmenter l'efficacité. Rappelant qu'il existe en France quelque 28.000 salles des fêtes pour un peu moins de 36.000 communes, il a appelé les collectivités à "réinterroger leur fonctionnement en matière d'investissement". Et plaidé, à l'instar de l'ensemble des élus qui se sont succédé à la tribune, pour une "contractualisation" entre les intercommunalités et les communes qui les composent.
Si les élus interrogés semblent réticents à augmenter les impôts pour investir, qu'en est-il du recours à l'emprunt ? Pour Michel Klopfer, consultant en finances locales, beaucoup d'intercommunalités ont une capacité d'emprunt importante du fait de leurs réserves, ce qui constitue un levier important. Et ce d'autant plus que la loi Notr impose aux intercommunalités des investissements beaucoup plus importants d'ici à 2020, du fait des transferts de compétences. Or cet investissement demeure "relativement faible", relève ce spécialiste, qui estime que "beaucoup d'EPCI n'ont pas investi et ont opéré de la redistribution".
Attention à l'entretien du patrimoine des collectivités, a averti enfin Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances, qui a piloté un rapport récent sur ce thème (voir ci-dessous notre article du 15 septembre 2016) : les dépenses effectives de réhabilitation représenteraient tout au plus entre 50% et 60% des dépenses d’investissement totales des collectivités, alors qu'un taux de 80% serait nécessaire pour un maintien en l'état des infrastructures. Des arbitrages s'avèrent donc indispensables.
Accompagner les entreprises
Comment les intercommunalités peuvent-elles accroître la performance de leurs achats publics, tant pour dégager des économies bienvenues du fait de leurs budgets contraints, que pour faire en sorte que ces achats bénéficient en priorité aux entreprises locales, et notamment les PME ? Les règles des marchés publics interdisent la "préférence locale" et le recours à l'allotissement ne semble pas constituer une solution suffisante, a souligné Charles-Eric Lemaignen.
Lucie Ruat, inspectrice des finances, a rappelé les outils mis à la disposition des acheteurs par la réforme de la commande publique et les économies potentielles que les collectivités pourraient réaliser en définissant une stratégie d'achats, estimées par les corps d'inspection générale à près de deux milliards d'euros (voir ci-dessous notre article du 19 septembre 2016). Elle a précisé que si le rapport des inspections concernait les achats de fonctionnement, les préconisations des auteurs valaient aussi en matière d'achats d'investissement.
La communauté de communes du Grand Autunois Morvan a pour sa part choisi d'accompagner les entreprises en mettant en place un "service public" pour le développement de la formation et des compétences sur le territoire. Dans le cadre de cette structure, elle aide par exemple à leur mise à niveau en matière de certification RGE (reconnu garant de l'environnement), ce qui augmente par la suite leurs chances d'obtenir des marchés qui comportent des clauses environnementales. Cette association aide également à la constitution de groupements d'entreprises. Si les économies d'échelles générées par la massification et la mutualisation des achats sont appréciables, notamment en matière d'énergie, il demeure en effet un risque d'éloigner certaines entreprises locales des marchés, du fait de leur taille, a averti Gil Averous, président de Châteauroux métropole. Et, paradoxalement, d'induire une "dérive low-cost", susceptible d'encourager le recours au travail détaché, pour Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF.
Interrogés sur la politique d'investissement qu'ils comptent mener d'ici à la fin de la mandature, les élus présents dans la salle et les intervenants ont été peu diserts, comme suspendus à l'issue des échéances politiques à venir, Rémi Rebeyrotte résumant bien le sentiment général d'être "sur un fil" du fait de la contraction des ressources, mais aussi la nécessité impérieuse pour les élus de continuer à investir.
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