Dunkerque est plus connu comme un port industriel du nord de la France que comme une destination touristique. Pourtant, des dizaines de milliers de Britanniques et d’Américains viennent chaque année visiter ses plages pour découvrir un pan méconnu de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale : quand les Alliés, mis en déroute par l’armée allemande, se retrouvent piégés entre les vagues glacées de la Manche et les divisions de blindés nazis. Le gros du corps de manœuvre, et notamment la force expéditionnaire britannique (BEF), est encerclé et coupé du reste de l’armée française au sud. Winston Churchill est atterré. Deux jours avant, le président français, Reynaud, lui avait déclaré au téléphone : « Nous sommes vaincus ».
Le « miracle de Dunkerque »
Mais du 26 mai au 4 juin 1940, des dizaines de milliers de soldats, Britanniques et Français pour la plupart, sont évacués en bateau de Dunkerque, en toute hâte, sur des vaisseaux de guerre, mais aussi sur de petits bateaux, « little ships », réquisitionnés par les Anglais pour sauver ce qui peut l’être. C’est l’opération Dynamo. Grâce à ce « rembarquement », le 4 juin 1940, 85 % des troupes soit 338 226 hommes, dont plus de 100 000 soldats français, sont transférés sains et saufs vers le Royaume-Uni. Quatre-vingts ans après, cet épisode est devenu « le miracle de Dunkerque », consolidé par l’énorme succès au cinéma en 2017 du film « Dunkerque », de Christopher Nolan.
« Longtemps, la fréquentation des plages autour de l’opération Dynamo était le fait exclusif des Anglais. Les Français passaient sous silence cet événement si particulier, alors que les élèves britanniques étudiaient cette histoire à l’école », explique Onno Ottevanger, responsable du service commercialisation à l’Office du tourisme de Dunkerque. C’est à partir de 2014 que la collectivité, portée par le maire d’alors, Patrice Vergriete, décide d’investir dans le tourisme de mémoire afin de raconter cette étrange histoire.
Victoire ? Défaite ?
La légende et les faits se télescopent encore dans les mémoires. Victoire ? Défaite ? « La France a d’abord reconnu la dimension défaite, les Anglais la dimension victoire, poursuit Onno Ottevanger. Mais il faut dire que le Gouvernement de Vichy avait alors expliqué que les Britanniques avaient abandonné les Français. Aujourd’hui, à l’Office de tourisme et au musée, nous essayons de donner une version plus nuancée des faits. Certes, les Alliés n’ont pas été en mesure d’arrêter les Allemands, mais le succès de l’évacuation a permis au Royaume-Uni de poursuivre la guerre. C’est un événement important dans la Seconde Guerre mondiale. »
Tout comme le Débarquement en Normandie, l’histoire est une manne pour ce territoire. « Auparavant, nos visites n’accueillaient aucun Français ou presque, mais aujourd’hui les établissements scolaires nous contactent pour que les enfants connaissent cet événement : des classes de collège, de CM1 et de CM2 viennent participer aux actions proposées, visites du musée ou circuit sur les lieux de l’opération », précise le responsable.
Dynamo Tour
Ces Dynamo Tours sont proposés aux particuliers, à pied, en voiture ou en bus, sur réservation pour les groupes et les individuels, pour visiter les lieux de la bataille : la jetée Est, la Plage, le centre-ville. Les circuits comprennent également une présentation du cimetière et du Princess Elizabeth, bateau à roue à aubes qui a fait quatre fois l’aller-retour entre l’Angleterre et Dunkerque pour évacuer 1 673 soldats au total, ainsi que le Mémorial des Alliés… Enfin, la communauté Urbaine de Dunkerque a fait développer l’application « Dynamo », qui permet une découverte des lieux en autonomie.
Recontextualiser l’histoire
Pendant très longtemps, les collectivités locales ne se sont pas intéressées à ce pan de l’Histoire. À l’époque, n’existait qu’un petit musée animé par des bénévoles, dont Onno Ottevanger faisait partie. En 2014, L’élection de Patrice Vergriete comme maire de Dunkerque marque un tournant. La conservation de la Mémoire et le développement du tourisme thématique sont définis comme des axes prioritaires. C’est ainsi que peu à peu émerge ce projet du tourisme de mémoire : « nous avons collaboré avecces historiens pour créer des circuits touristiques. Le petit musée a été agrandi, la muséographie entièrement repensée. Avec un parti pris : expliquer ce qui s’est réellement passé, dans quel contexte, ce qui a pu faire que ces événements se produisent. Le tout en insistant sur la question des victimes civiles, côté Dunkerque, qui ont payé un lourd tribut : plus de 800 habitants ont alors péri », poursuit le responsable. En 2023 le musée 1940, opération Dynamo a reçu 105 706 visiteurs !
L’année prochaine, en 2025, seront commémorés les 85 ans de l’opération Dynamo, avec un programme très dense où interviendront 60 des « little ships » réquisitionnés en juin 1940 pour sauver les soldats britanniques.
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